Le projet de loi “pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration” a été profondément censuré, jeudi 25 janvier, avec plus d’un tiers de son contenu retoqué, par le Conseil constitutionnel. Metishima avait, agissant dans un cadre de plaidoyer, dès novembre 2023, entamé une campagne de décryptages, relevant, entre autres, des articles portant atteinte aux droits des étrangers établis en France et/ou précarisant leurs conditions de séjour. La décision constitutionnelle répond favorablement à l’essentiel des griefs que nous avions soulevés, jusqu’à date. Mais la campagne, qui restait toujours en cours, portait d’autres revendications qui, elles, sont toujours valables nonobstant la censure. Coups de projecteurs.
Le présent article s’inscrit dans la suite logique de notre série de décryptages sur le projet de loi asile et immigration.
Nous traitons des évolutions dudit projet de loi, introduit par les ministres Darmanin et Dussopt, en février 2023, et adopté, après plusieurs bouleversements, au parlement, le 19 décembre 2023.
Nous revenons sur nos récents articles dédiés et vérifions, étape par étape, si les dispositions sur lesquelles portaient nos doléances ont été censurées ou pas. Nous analyserons ici ce qui reste de la loi et qui menace potentiellement le droit de séjour et d’intégration des personnes contraintes à l’exil. Évidemment, nous tiendrons, dans nos prochaines publications, la parole là-dessus.
Revenir sur cette censure et rappeler ce faisant notre plaidoyer est d’autant plus fondamental et urgent que les centristes viennent de re-susciter le débat. Car en réintroduisant, dans une proposition de loi au Sénat, les mesures des plus restrictives censurées dans la dernière loi pour “cavaliers législatifs”, ils prouvent que notre lutte, plus que légitime, doit être encore plus accrue et forte.
Nous resterons éveillés, alertes à tout ce qui stigmatise l’exilé, instrumentalise l’immigration, racise l’intégration des personnes immigrées. Nous nous devons de construire un autre rapport à l’altérité.
Censure constitutionnelle : la régularisation des travailleurs « sans-papiers » toujours problématique
L’article sorti par Metishima début décembre 2023 relevait plusieurs questionnements sur la (non) régularisation des personnes étrangères qui travaillent mais restent sans accès aux droits accordés à tout travailleur. Il pointait une forme d’utilitarisme, dans la sélectivité des profils potentiellement admissibles à la régularisation, consacré. Metishima s’indignait de la précarisation induite par cette sélectivité. Et d’une possible instabilité législative. Elle interrogeait la plus-value de cette précarisation, outre la manipulation politicienne, et les effets induits dans l’imaginaire collectif par une approche binaire dans l’intégration des personnes immigrées.
Si le projet de loi émanant du gouvernement Borne entendait régulariser, de “plein droit”, les travailleurs en situation irrégulière exerçant dans les métiers en tensions, Metishima plaidait pour la régularisation de tous les travailleurs. Au final, détricotée, lors de son périple, la loi promulguée le 26 janvier est plus dure à ce niveau, la disposition étant réduite à la régularisation au cas par cas, “à titre exceptionnel” en toute discrétion des préfets.
Le Conseil constitutionnel, n’ayant pas été saisi au sujet de cet article, ne s’y est pas prononcé. Metishima, ayant au cœur l’intégration de tous les travailleurs exilés, continuera à lutter pour la régularisation de tous les travailleurs sans papiers.
Le durcissement du regroupement familial : censuré à la porte, il revient par la fenêtre. Nous le combattrons
Cette obsession, car il faut nommer toute chose par son nom, part d’un faux postulat : le regroupement familial est une grande filière d’immigration. Dans notre récent décryptage, nous avons rappelé – et nous le ferons et le referons autant qu’il le faut – qu’il s’agit là d’une idée reçue. Chiffres à l’appui (pour rappel, moins de 20% des immigrés viennent par le regroupement familial, comme les 14137 en 2021 sur un total de plus de 86 mille). Nous avons, par ailleurs, rappelé l’importance du regroupement familial à l’intégration de l’immigré. Des travaux de recherche, à l’appui, également. Un.e homme/femme sera à même de mieux s’intégrer s’il/elle est rejoint par son conjoint et ses enfants, et non l’inverse.
L’immigration étant inarrêtable par la loi, car procédant de phénomènes qui dépassent ce domaine législatif, le non-regroupement ferait dès lors des citoyens et résidents non intégrés, avec toutes les conséquences qui vont avec.
Le Conseil constitutionnel a donc censuré les différentes dispositions du durcissement. Entre autres les conditions de séjour et l’âge requis pour le regroupant, la maîtrise de la langue française pour les regroupés ou encore le renforcement du rôle des maires, etc.
Ces dispositions sont toutefois revenues jeudi 1er février, soit seulement une petite semaine après la censure, par un texte présenté par les centristes au Sénat. La formation politique Les Républicains n’est pas en reste. Leur groupe a menacé de déposer rapidement une proposition de loi, reprenant les mesures censurées, qui convergerait avec le texte des Centristes, selon un article du Monde.
Pour sa part, Metishima reste engagée pour l’égalité de tous. Par ricochet, elle ne ménagera aucun effort pour faire respecter le droit à tous de mener une vie familiale normale.
Le droit du sol, pour l’allégeance à la République
Il fait partie des articles introduits par la droite sénatoriale qui ont défrayé la chronique. L’article supprimait l’automaticité de l’acquisition de la nationalité aux enfants nés de parents étrangers. Il plaçait leur naturalisation dans les mains de l’autorité administrative, qui déciderait de la suite à donner à leur manifestation de volonté de devenir Français.
Metishima s’était inquiété de ce basculement dans le 2ème point de son décryptage, pointant une légitimation de la rhétorique de “Français de papiers”. Avec cette inégalité consacrée dès la naissance, il y avait en effet lieu d’interroger le degré d’allégeance aux valeurs de la République, dont l’égalité des citoyens, un des principes repris dans la devise nationale, que la République attendrait de ces enfants qu’elle aurait discriminés.
Le Conseil constitutionnel a censuré cet article pour défaut de procédure (cavalier législatif). Si son inconstitutionnalité n’a pas été instruite, elle est toutefois inconstitutionnelle car elle hiérarchise les citoyens et s’attaque ainsi aux valeurs constitutionnelles d’égalité.
Metishima défend toujours cette valeur qui est au cœur même de sa création et de son existence.
Les prestations sociales rétablies aux étrangers par la censure, le sentiment de la priorisation nationale persiste
C’est une des mesures phares qui reviennent également par la fenêtre – celle que nous avons évoquée ci-haut – après la censure. Elle est également une obsession.
Nous avons rappelé dans le décryptage précédent que taxer les prestations sociales d’”appel d’air” est tout simplement aberrant. Car : un, une petite pincée des populations étrangères les perçoit et donc cela ne permet pas de faire des économies contrairement aux idées reçues ; et deux, la privation aurait des conséquences dramatiques pour les personnes de nationalité étrangère, y compris leurs enfants nés en France.
Au final, ce n’est donc pas sur ce fondement que le Conseil constitutionnel a rejeté l’article sur la privation de l’APA, DALO, APL, des allocations familiales mais sur défaut de procédure.
Nonobstant la censure, c’est une des mesures dont l’adoption par le parlement a consacré la priorité nationale et qui, idéologiquement, restera dans les mémoires. Ou, pour le dire autrement, un basculement moral et social de la France. Metishima continuera à défendre l’égalité sur ce point.
Nous rejetterons toute tentative de précarisation d’une frange de la population, quelle que soit la raison, et encore moins sur fond électoraliste comme nous l’expliquions récemment.
Réformes de la CNDA, retrait des CMA, refus ou retrait de la carte de séjour, … des mesures validées très préoccupantes
Le Conseil constitutionnel a également censuré totalement ou partiellement des dispositions contenues dans le projet de loi adopté le 19 décembre. Metishima se réjouit de la décision constitutionnelle qui censure bon nombre de mesures faisant reculer le vivre ensemble et les valeurs de la république française.
Néanmoins, nous restons préoccupés par celles qui ont été validées alors même qu’elles portent atteinte à des principes de la République, en ce qui est notamment du droit d’asile.
Retrait de la carte de séjour pour manquement aux principes de la République/ menace grave à l’ordre public…
Ainsi, si nous prônons le respect des valeurs de la République, l’instauration dans la loi d’une condition de respect des principes de la République sous peine de retrait ou de refus de renouvellement de la carte de séjour inquiète.
Nous estimons que le manquement à ce respect ne devrait pas être passible de quelque sanction que ce soit, et encore moins le retrait ou le refus de la régularité du séjour d’un étranger avec toutes les conséquences qui vont avec.
Car le concept de “principes de la République” reste flou, englobant par exemple la liberté d’expression qui ne se confine pas dans ce qui ne dérange pas, ne choque pas. Assez floue aussi la notion de “menace grave à l’ordre public” dont le degré de gravité est laissée à l’appréciation des seules juridictions.
Retrait des conditions matérielles d’accueil aux DMA
En outre, l’élargissement des cas de retrait des conditions matérielles d’accueil (CMA) aux demandeurs d’asile, que le Conseil constitutionnel a validé, restreint pour nous les droits des demandeurs d’asile et les précarise. Pour quelque motif que ce soit (mariage, études, santé, etc.), le demandeur d’asile se verrait ainsi perdre les CMA (hébergement, allocation financière de survie, assurance santé) qui restent des besoins fondamentaux dans l’attente de l’instruction de son dossier d’asile. Nous estimons dès lors qu’il s’agit là d’un recul sans précédent du droit d’asile.
Instauration du juge unique à la CNDA en lieu et place de trois juges statuant collégialement
Par ailleurs, la réforme de la CNDA par l’instauration d’un juge unique pour décider sur des situations multiformes, nécessitant souvent des spécialistes des cas et des pays d’origine, ne rassure pas. Ces situations individuelles et diversifiées sont en effet susceptibles de prêter à des interprétations personnelles et subjectives, au grand dam du demandeur d’asile. Nous restons convaincus que la collégialité des juges dont un assesseur expert issu du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés est plus rassurante.
Conclusion
La censure constitutionnelle a allégé les conséquences qui s’abattaient sur les personnes contraintes à l’exil, de nationalité étrangère. Les mesures censurées marquaient en effet un grand recul aux valeurs de la république française et portaient atteinte au respect des droits humains, en particulier des droits des personnes migrantes. Metishima se réjouit de la censure de ces dispositions régressives.
Il reste toutefois que des mesures restrictives ont été maintenues dans la loi. Elles sont actuellement en vigueur alors même qu’elles portent atteinte au droit d’asile et des étrangers. Les mesures censurées reviennent en outre pour la plupart dans la proposition de loi des Centristes au Sénat.
Metishima demande aux décideurs d’user de la prudence et de l’humanité. En se rapprochant de plus près des principes de la République. Notamment en ce qui est de l’application des dispositions qui prêtent à des confusions en demeurant floues. Nous restons éveillés sur tout ce qui enfreindrait les droits de tout un chacun et les valeurs de la République.
A lutta continua…pour l’égalité et la dignité de tous !